Ouverte depuis 2001 à toutes les femmes majeures, sans condition d’âge ou de maternité, la stérilisation à visée contraceptive reste encore taboue en France. Nombreuses sont celles qui peinent à trouver un médecin favorable à l’intervention.

Inscrite dans la loi depuis 2001, la contraception définitive (ou stérilisation à visée contraceptive) demeure peu pratiquée en France. Chaque année, seules 40 000 à 50 000 femmes font ce choix, alors qu’elles sont bien plus nombreuses dans les pays anglo-saxons, comme au Canada, aux Etats-Unis ou en Angleterre. Au niveau mondial, la stérilisation à visée contraceptive est même la première méthode de contraception utilisée, devant le stérilet et la pilule. « Dans notre pays, ce choix est très mal accepté sur le plan sociétal, explique le docteur Marie-Laure Brival, gynécologue-obstétricien, chef de service à la maternité des Lilas (93). Dans l’inconscient collectif, il y a cette idée, profondément ancrée, selon laquelle la femme se doit de faire des enfants. Or il se trouve que les professionnels de santé, les médecins en particulier, sont très souvent les dépositaires et les relais de cette conception globale. » Et pour les femmes qui décident de ne pas ou de ne plus avoir d’enfant, les conséquences sont particulièrement pénalisantes : la plupart ont bien du mal à trouver un praticien favorable à l’intervention.

Une décision mûrement réfléchie
Plus la patiente est jeune, plus les réticences sont tenaces. « Certains médecins posent des conditions inacceptables, qui contreviennent clairement à la loi, souligne le docteur Brival. Il y a d’abord l’âge : avant 40 ans, l’accord du médecin est très difficile à obtenir, alors que la contraception définitive est légalement accessible dès 18 ans. Ensuite vient la question des enfants. Si la patiente n’en a pas, elle n’a pratiquement aucune chance d’obtenir ce qu’elle veut. Si elle a des enfants, le médecin exige qu’elle en ait déjà un certain nombre, et de sexes différents. En agissant ainsi, ces professionnels infantilisent les femmes dans un choix qui leur est propre et qui, du moins dans mon expérience personnelle, est parfaitement réfléchi, mûri et déterminé. »
Sans l’accord du médecin, impossible en effet d’accéder à la contraception définitive : dans la procédure légale, c’est lui qui assure la première consultation, au cours de laquelle la patiente expose sa demande. Après un dialogue destiné à cerner les motivations de la femme et à l’informer, la loi impose un délai de réflexion de quatre mois. Puis, lors d’une deuxième consultation, le médecin recueille la confirmation écrite de la patiente et programme l’intervention.

Implants ou ligature des trompes
Actuellement, les femmes ont le choix entre deux techniques, remboursées à 65 % par la Sécurité sociale, et dont l’objectif est d’empêcher la rencontre entre l’ovule et les spermatozoïdes (précisons que ces méthodes n’ont pas d’effet sur l’équilibre hormonal, le désir et le plaisir sexuel). La première, la ligature des trompes de Fallope, consiste à sectionner ou à nouer les trompes par des clips. L’intervention se fait par cœlioscopie sous anesthésie générale et nécessite une hospitalisation. Avec la seconde technique, moins invasive, il s’agit d’introduire des micro-implants (en réalité des petits ressorts) dans les trompes par hystéroscopie, en suivant les voies naturelles. Une fois placés, ces implants induisent une prolifération de tissus qui boucheront les trompes en trois mois environ. Pendant ce laps de temps, un autre type de contraception sera nécessaire. Cette méthode se pratique à l’hôpital, mais ne nécessite ni anesthésie générale ni hospitalisation*.
Enfin, pour les femmes qui changeraient d’avis et souhaiteraient tout de même avoir un enfant quelques années plus tard, « la procréation médicale assistée par fécondation in vitro reste toujours possible, précise le docteur Brival. Mais dans ma pratique, je n’ai jamais rencontré de patientes qui ont regretté leur choix. Il faut bien comprendre que ces femmes savent exactement ce qu’elles veulent. Et il serait grand temps de les entendre. »

* Depuis quelques années, les implants Essure, commercialisés en France par Bayer, font l’objet de critiques croissantes. Deux femmes ont récemment entamé des procédures judiciaires d’indemnisation en raison d’effets secondaires graves liés à une allergie au nickel, l’un des constituants du produit. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a placé ces implants sous surveillance il y a deux ans (sans remettre en question, pour l’instant, leur rapport bénéfice-risque). Aux Etats-Unis, à la suite à de nombreuses plaintes, les implants risquent d’être bientôt interdits. 

Delphine Delarue
France Mutualité, numéro 569.
Article, rubrique Médecine.